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Allocutions

Audition sur le projet de loi 98, Loi modifiant la Loi électorale principalement afin de préserver l’intégrité du processus électoral

Allocution de : Jean-François Blanchet, directeur général des élections

Événement : Audition du directeur général des élections du Québec sur le projet de loi no 98 devant la Commission des institutions

Lieu : Assemblée nationale du Québec

Date : 23 avril 2025

Pour en savoir plus : Projet de loi 98 : des recommandations clés du directeur général des élections en voie d’être intégrées à la Loi électorale

La version lue fait foi.

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les membres de la Commission,

Je vous remercie de cette invitation à prendre part aux discussions concernant le projet de loi 98, la Loi modifiant la Loi électorale principalement afin de préserver l’intégrité du processus électoral.

Je suis accompagné aujourd’hui :

D’emblée, je tiens à mentionner que j’accueille favorablement ce projet de loi. Il contient certaines recommandations visant à actualiser la Loi électorale qui étaient incluses dans le rapport de recommandations intitulé Pour une nouvelle vision de la Loi électorale que mon institution a déposé à l’Assemblée nationale le 24 novembre 2024.

La Loi électorale gagne à être révisée après chaque élection générale provinciale. Puisqu’elle constitue le fondement de la démocratie québécoise, son contenu devrait évoluer de façon constante afin de s’adapter aux nouveaux enjeux de société qui peuvent influencer notre système démocratique favorablement ou défavorablement. Le projet de loi présenté contient des mesures qui répondent à ce besoin. Je profite de mon passage ici pour proposer d’autres éléments qui pourraient le bonifier.

La modernisation de la Loi électorale

Je suis heureux de constater qu’une nouvelle mesure incluse dans ce projet de loi vise les électrices et les électeurs à mobilité réduite et ceux qui sont incapables de se déplacer pour des raisons de santé. Ces personnes pourront faire une demande d’inscription ou de modification à la liste électorale et voter au même moment dans le cadre de la tenue du bureau de vote itinérant. Cette possibilité sera également offerte aux électeurs qui sont temporairement hébergés chez leur proche aidant.

Grâce à cette mesure, les membres du personnel électoral qui travaillent aux bureaux de vote itinérant pourront cumuler les fonctions liées au vote et à la révision de la liste électorale.

Je crois même qu’une initiative comme celle-là, qui permet la mise à jour de la liste électorale et l’exercice du droit de vote en même temps, pourrait être élargie à d’autres jours de vote lors de prochaines élections générales provinciales, y compris lors du vote par anticipation et le jour du scrutin.

À mes yeux, c’est important de moderniser les processus de vote au même titre que les processus de révision et de dépôt des déclarations de candidature, qui ont été modernisés lors de modifications législatives antérieures. Lors des élections de 2022, nous avons observé des files d’attente, lors du vote par anticipation, en raison d’un fort achalandage et de difficultés de recrutement. Ces enjeux s’intensifieront lors des prochaines élections. Je souhaite donc revoir nos façons de faire pour limiter l’attente des électeurs lors du vote et pour réduire nos besoins de main-d’œuvre. C’est pourquoi j’ai tenté de tenir un projet-pilote sur l’utilisation de solutions technologiques pour rendre le vote plus fluide et l’organisation des scrutins plus efficace. L’utilisation d’une liste électorale informatisée à chaque bureau de vote aurait facilité l’inscription et la modification de l’inscription à la liste électorale lors des jours de vote par anticipation et le jour de l’élection. L’utilisation de tabulatrices, quant à elle, aurait pu automatiser le dépouillement des bulletins de vote papier. Ces technologies auraient aussi permis :

Toujours en lien avec la modernisation de la Loi électorale, je soutiens l’introduction de dispositions concernant les dépenses préélectorales des partis et des tiers. Avec l’arrivée des élections à date fixe, nous observons une hausse marquée des dépenses de publicité en période préélectorale. Le régime proposé nous permettra de documenter davantage ce phénomène avec des données probantes. Cependant, je suis d’avis que la date de début de la période préélectorale des tiers devrait être la même que celle prévue pour les partis politiques.

Par ailleurs, je rappelle ma proposition de tenir des élections partielles à date fixe, à deux moments dans l’année, au printemps et à l’automne. Des élections partielles à date fixe favoriseraient l’équité entre les partis politiques, les candidates et les candidats, qui sauraient tous quand la période électorale débute. L’organisation des scrutins en serait également facilitée. À cet égard, la législation québécoise serait à l’avant-garde par rapport aux autres provinces.

La protection des renseignements personnels

En matière de protection des renseignements personnels, le législateur a franchi un premier pas, en 2021, en assujettissant les partis politiques provinciaux à certaines dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Le projet de loi 98 propose l’obligation de détruire les renseignements personnels relatifs aux électrices et aux électeurs, c’est-à-dire ceux contenus dans la liste électorale permanente, notamment lorsqu’un parti cesse d’être autorisé ou qu’un candidat n’est pas élu. J’accueille très favorablement cette mesure, que j’ai recommandée à plusieurs reprises dans le passé. Par ailleurs, je recommande d’élargir cette obligation de destruction non seulement aux renseignements contenus dans la liste électorale permanente, mais à tous les renseignements sur les électeurs que les partis politiques détiennent.

L’ingérence étrangère et la désinformation

La démocratie est actuellement confrontée à deux grands enjeux partout à travers le monde : l’ingérence étrangère dans les processus électoraux et la désinformation auprès de l’électorat. Ces enjeux sont étroitement liés. Il faut absolument instaurer des moyens pour y faire face.

À cet égard, j’appuie la nouvelle infraction pénale proposée relativement à la désinformation et à la manipulation de l’information en contexte électoral. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction.

Toutefois, je vous signale les difficultés d’application de cette nouvelle infraction, notamment quant au fardeau de preuve nécessaire pour démontrer la commission de l’infraction. En outre, mon champ d’action risque d’être limité lorsque les actions visées par l’infraction seront posées par des acteurs basés à l’extérieur du Québec.

Cependant, d’autres mesures pourraient contrer l’ingérence étrangère. Le présent projet de loi pourrait contenir une disposition obligeant le chef et les deux dirigeants d’un parti politique autorisé à posséder la qualité d’électeur, donc à avoir le droit de vote. La Loi électorale impose déjà cette exigence aux personnes qui posent leur candidature à une élection provinciale ainsi qu’aux représentants officiels et agents officiels d’un parti politique autorisé. Je pense aussi qu’une personne devrait être domiciliée au Québec pour verser des frais d’adhésion à un parti politique.

La révision de la liste électorale

La Loi modifiant la Loi électorale, adoptée en 2021, prévoyait que certaines dispositions relatives au processus de révision de la liste électorale devaient entrer en vigueur aux dates fixées par le gouvernement suivant ma recommandation. Cependant, à la suite des élections générales provinciales de 2022, j’ai constaté que c’était impossible d’appliquer ces dispositions dans leur forme actuelle, parce qu’elles soulèvent des enjeux par rapport aux dispositions en vigueur et à celles prévues par le présent projet de loi. Cela dit, les façons de faire actuelles sont viables pour les élections de 2026, que nous pourrons tenir sans mettre en vigueur ces articles. Après ces élections, je proposerai au comité consultatif une modernisation globale du processus de révision afin qu’il s’harmonise mieux aux façons de faire actuelles.

Les candidatures multiples

Je veux aussi vous sensibiliser au phénomène des candidatures multiples ayant comme unique but de contester le mode de scrutin et d’allonger indûment les bulletins de vote. Cette tendance observée au palier électoral fédéral me préoccupe grandement. Dans ce contexte, ce serait souhaitable de prévoir un mécanisme visant à limiter le nombre de candidatures déposées uniquement pour rendre le bulletin de vote plus long. Par exemple, le projet de loi pourrait interdire à une personne d’être l’agente officielle ou l’agent officiel de plus d’un candidat indépendant dans une même circonscription.

Conclusion

Le projet de loi 98 propose de nombreuses améliorations qui faciliteront le déroulement des prochaines élections générales provinciales et je salue ces améliorations. Je souhaite que ce projet de loi soit adopté d’ici la fin des travaux parlementaires, en juin, afin d’en assurer la mise en œuvre à temps pour les élections générales de 2026.

D’ailleurs, mon équipe et moi vous offrons notre expertise en matière électorale afin de mener à bien les travaux en vue de cette adoption.

Je vous remercie de votre attention et je suis disponible pour répondre à vos questions.