Une institution indépendante
Depuis juin 1945, une institution indépendante est chargée de l’application de la législation électorale et de l’organisation des élections québécoises. Voici les moments plus importants qui ont marqué l’histoire de la démocratie québécoise depuis ses premières élections, en 1792.
Le 26 décembre 1791, le lieutenant-gouverneur, Alured Clarke, en l'absence de Lord Dorchester, proclame l'entrée en vigueur de l'Acte constitutionnel, qui avait reçu la sanction royale le 10 juin. Cet acte pose les bases du système parlementaire et électoral d'alors en instaurant, notamment, un conseil exécutif et une chambre d'assemblée qui rend le gouvernement représentatif. L'Acte constitutionnel permet à tout sujet britannique de 21 ans et plus de voter, y compris les femmes célibataires et les veuves qui répondent au cens électoral, c'est-à-dire qu'elles doivent posséder une habitation ou une terre (dans les faits, il s'agit d'un très petit nombre d'entre elles). Toutefois, même si elles peuvent voter, les femmes ne peuvent pas être candidates.
Conformément à l'article 14 de l'Acte constitutionnel de 1791, le lieutenant-gouverneur, Alured Clarke, établit, sans aucune norme, 27 « comtés ». Ainsi, à l'été 1792, lors des premières élections législatives du Bas-Canada, 50 députés sont élus. La période électorale dure alors sept semaines, soit du 24 mai au 10 juillet 1792. Comme il n'y a qu'un seul bureau de vote dans chacune des circonscriptions, l'élection peut durer quelques jours pour permettre au plus grand nombre d'électeurs de s'y rendre. Chaque vote est fait publiquement et oralement, souvent en présence des candidats ou de leurs partisans. Dans les circonscriptions qui ont droit à deux représentants, l'électeur exprime deux choix. Il n'y a ni liste électorale ni bulletin de vote1.
Suivant les recommandations du rapport Durham de 1839, l'Acte d'Union est sanctionné à Londres le 23 juillet 1840. Les provinces du Bas-Canada et du Haut-Canada sont réunies pour former la province du Canada (Canada-Uni). La nouvelle Constitution est proclamée à Montréal le 10 février 1841. À cette époque, le Canada-Est et le Canada-Ouest élisent un nombre égal de députés, bien qu'ils ne comptent pas le même nombre d'habitants.
Le droit de vote est retiré aux femmes. Le mot personne signifie désormais « homme propriétaire ».
Un projet de loi est adopté en vue d'augmenter la représentation parlementaire. Le nombre de députés passe de 84 à 130. L'égalité est maintenue entre le Bas-Canada et le Haut-Canada, qui ont chacun 65 représentants. La nouvelle loi supprime l'anomalie en vertu de laquelle des circonscriptions de 1 200 habitants ont une représentation égale à celles qui comptent de 2 000 à 3 000 habitants.
La base du système municipal actuel et de l'organisation administrative du territoire, l'Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada, entre en vigueur.
La première élection tenue à l'aide de registres (listes) des électeurs constitués à partir des dossiers d'évaluation municipale a lieu au Québec.
La Loi constitutionnelle entre en vigueur le 1er juillet 1867. Avec la Confédération, le Parlement de Québec est formé de l'Assemblée législative, du Conseil législatif et du lieutenant-gouverneur. L'âge pour exercer son droit de vote est fixé à 21 ans.
Lors des élections générales provinciales d'août et de septembre 1867, 161 642 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 46,84 %.
Au cours du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe, les pouvoirs en matière électorale relèvent de l'Exécutif, soit du gouverneur, du premier ministre et du greffier de la Couronne en chancellerie. C'est le gouverneur qui convoque le corps électoral et qui trace la carte électorale. Pour sa part, le greffier de la Couronne en chancellerie, chargé de l'administration des scrutins, accomplit cette tâche en plus de ses responsabilités habituelles qui touchent à la rédaction de divers actes, comme la convocation, la prorogation et la dissolution du Parlement. Le cumul de ces fonctions crée des tensions au début du XIXe siècle, si bien que le gouverneur nomme un second greffier, qui sera responsable des questions électorales. Par la suite, le greffier n'occupera plus de siège au Conseil exécutif. À compter de 1887, les fonctions de greffier de la Couronne en chancellerie seront assumées par le greffier de l'Assemblée législative, qui reçoit une indemnité spécifique pour cette charge.
Voici la liste des greffiers de la Couronne en chancellerie de 1867 à 1942, ainsi que leur date de nomination :
À compter de 1868, le greffier de la Couronne en chancellerie doit rédiger un rapport d'élection détaillé.
Lors des élections générales provinciales de juin et de juillet 1871, 172 369 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 34,96 %.
Lors des élections générales provinciales du 1er mai 1878, 217 825 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 63,91 %.
Lors des élections générales provinciales du 2 décembre 1881, 223 221 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 44,53 %.
Lors des élections générales provinciales du 14 octobre 1886, 234 844 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 63,96 %.
Lors des élections générales provinciales du 17 juin 1890, 276 641 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 58,18 %.
Lors des élections générales provinciales du 8 mars 1892, 294 335 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 59,97 %.
Lors des élections générales provinciales du 11 mai 1897, 338 800 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 67,34 %.
Lors des élections générales provinciales du 7 décembre 1900, 350 517 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 29,77 %.
Les patrons ont désormais l'obligation de donner quelques heures à leurs employés pour aller voter.
Lors des élections générales provinciales du 25 novembre 1904, 381 933 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 29,97 %.
Lors des élections générales provinciales du 8 juin 1908, 415 801 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 59,65 %.
Lors des élections générales provinciales du 15 mai 1912, 479 521 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 61,45 %.
Lors des élections générales provinciales du 22 mai 1916, 485 936 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 43,46 %.
Le 24 mai 1918, toutes les Canadiennes de 21 ans et plus obtiennent le droit de vote aux élections fédérales, et ce, même si elles n'ont pas encore le droit de vote dans leur province. C'est en 1919 que les Canadiennes obtiennent le droit de se porter candidates à la Chambre des communes. Elles exercent pour la première fois leur droit de vote aux élections fédérales de 1921, à l'occasion desquelles Mme Agnes Macphail est élue dans la circonscription de Grey-Sud-Est, en Ontario.
Le 10 avril 1919, le premier référendum du Québec est organisé par le gouvernement et porte sur la légalité de la vente du vin et de la bière4.
Lors des élections générales provinciales du 5 février 1923, 513 224 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 57,36 %.
Lors des élections générales provinciales du 16 mai 1927, 569 018 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 56,38 %.
Lors des élections générales provinciales du 24 août 1931, 641 323 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 77,01 %.
Lors des élections générales provinciales du 25 novembre 1935, 726 551 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 75,91 %.
Lors des élections générales provinciales du 25 octobre 1939, 753 310 électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 75,74 %.
Les Québécoises obtiennent le droit de vote et d'éligibilité par une loi sanctionnée le 25 avril 1940 (le nombre d'électeurs inscrits passe alors de 753 310 en 1939 à 1 865 396 en 1944). Elles se prévalent de leur droit de vote pour la première fois lors des élections partielles du 6 octobre 1941 et le 8 août 1944 à l'occasion des élections générales. Dans les neuf autres provinces, les femmes ont acquis ces droits entre 1916 et 1925.
Lors des élections générales provinciales du 8 août 1944, 1 865 396 électrices et électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 72,13 %.
1945 : Une année charnière
Depuis sa création, en 1945, notre institution s'est vu attribuer la mission d'assurer la tenue des élections et des référendums au Québec, de veiller au respect des règles sur le contrôle des dépenses électorales, de garantir le plein exercice des droits électoraux et de promouvoir les valeurs démocratiques de la société québécoise, et ce, de façon indépendante, neutre, impartiale et non partisane. Voici les dates qui ont marqué son évolution.
Lors des élections générales de 1948, deux femmes se présentent, soit Mme Priscille Beaulieu dans la circonscription des Îles-de-la-Madeleine et Mme Beulah Devlin Grace dans celle de Westmount–Saint-Georges8. Lors de ces élections, 2 036 576 électrices et électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 75,21 %. Aux élections générales de 1952, on compte trois candidates, puis sept en 1956, mais aucune en 1960. Il faudra attendre 1961 pour qu'une femme soit élue à l'Assemblée nationale.
La carte électorale compte désormais 93 circonscriptions et est utilisée pour les élections générales de 1956.
Lors des élections générales provinciales du 20 juin 1956, 2 393 360 électrices et électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 78,32 %.
En 1963, le droit de vote passe de 21 à 18 ans. (Le nombre d’électrices et d'électeurs inscrits passe de 2 721 783, en 1962, à 3 222 302, en 1966). Ces nouveaux électeurs ont exercé leur droit de vote pour la première fois lors des élections partielles du 5 octobre 1964. En élections générales, ils ont voté pour la première fois le 5 juin 1966. Cependant, jusqu'en 1971, l'âge limite demeure à 21 ans pour les candidats et leurs agents.
La carte électorale de 1965, délimitée pour la première fois par une commission indépendante de l'Assemblée législative, fait passer le nombre de circonscriptions de 95 à 108. Cette carte est utilisée pour les élections générales de 1966 et de 1970.
Lors des élections générales provinciales du 5 juin 1966, 3 222 302 électrices et électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 73,56 %.
Les Autochtones (hommes et femmes) obtiennent le droit de vote avec l'entrée en vigueur, le 2 mai 1969, de la Loi donnant le droit de vote aux Autochtones. Le Québec est la dernière province au Canada à adopter une telle loi.
Lors des élections générales provinciales du 29 avril 1970, 3 478 578 électrices et électeurs sont inscrits sur la liste électorale et le taux de participation est de 84,23 %.
C'est un organisme permanent et autonome qui propose dorénavant la carte électorale du Québec, laquelle demeure soumise, cependant, à l'approbation de l'Assemblée nationale. La Commission permanente de la réforme des districts électoraux (CPRDE) compte trois membres, nommés par l'Assemblée nationale, et est présidée par le président général des élections.
La nouvelle carte électorale, délimitée par la CPRDE, fait passer le nombre de circonscriptions de 108 à 110 et est utilisée pour les élections générales de 1973 et de 1976, ainsi que pour le référendum de 1980.
La première loi sur le financement des partis politiques est placée sous la responsabilité du Président général des élections et intégrée à la Loi électorale. Dans cette loi, une mesure est mise en place pour procurer une allocation étatique aux partis politiques représentés à l'Assemblée nationale.
La Commission permanente de la réforme des districts électoraux a une nouvelle identité. Elle devient la Commission de la représentation électorale et dispose désormais d'un pouvoir décisionnel sur la confection de la carte électorale du Québec. Le premier directeur général de la Commission est M. Jean-Luc Lemieux14.
Lors des élections générales provinciales du 13 avril 1981, 4 410 880 électrices et électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 82,49 %.
La nouvelle carte électorale, délimitée par la Commission de la représentation électorale, fait passer le nombre de circonscriptions de 122 à 125 et est utilisée pour les élections générales de 1989 et le référendum de 1992.
À la suite d'un jugement de la Cour suprême du Canada, le législateur introduit un nouveau principe devant guider la délimitation des circonscriptions, la représentation effective, principe qui tient compte de l'égalité relative du vote et du respect des communautés naturelles. De plus, la délimitation des circonscriptions se fait maintenant toutes les deux élections générales.
Lors des élections générales du 12 septembre 1994, il y a égalité des voix dans la circonscription de Saint-Jean. Les électeurs de Saint-Jean retournent donc aux urnes le 24 octobre 1994. C'est la première fois qu'une telle situation survient, et les modalités de l'élection doivent être adaptées à ces circonstances exceptionnelles. Lors de ces élections, 4 893 465 électrices et électeurs sont inscrits sur la liste électorale. Le taux de participation est de 81,58 %.
À la suite du départ de Me Pierre-F. Côté, Me François Casgrain devient directeur général des élections et président de la Commission de la représentation électorale pour un mandat de six mois. Ce mandat sera renouvelé une fois; il sera donc en poste du 16 juillet 1997 au 12 juillet 199825. Consultez le tableau des responsables des élections au Québec depuis 1945.
« Ce geste hautement symbolique qu'est le dépôt du bulletin de vote dans l'urne ne traduit pas à lui seul l'essence même de la démocratie. Vivre en démocratie, c'est beaucoup plus. Cela exige que les individus développent des attitudes et des comportements imprégnés d'un sens civique, faute de quoi l'idéal démocratique ne saurait être atteint. »
Marcel Blanchet, dans les Actes du colloque « Éduquer à la citoyenneté : agir pour la démocratie! » tenu le 10 novembre 2000.
Les élections générales de décembre 2008 sont marquées par le taux de participation le plus faible depuis plus de 70 ans, soit 57,43 %. En outre, pour la première fois à l'occasion d'élections générales, il est possible pour l'ensemble des électrices et des électeurs de voter au bureau du directeur du scrutin de leur circonscription ou aux bureaux secondaires établis dans la circonscription. Cinq journées s'ajoutent ainsi aux jours du vote par anticipation. Lors de ces élections, 5 738 811 électeurs sont inscrits sur la liste électorale.
Des élections générales municipales se tiennent le 1er novembre 2009. Le taux de participation est de 44,8 %.
Création du Réseau des compétences électorales francophones (RECEF). De gauche à droite : Me Marcel Blanchet, M. Jean Jolin, Me Francine Barry, le général Siaka Sangaré, délégué général des élections du Mali, M. Jacques Chagnon, président de l'Assemblée nationale, M. Jacques Drouin, Me Pierre-F. Côté et Me François Casgrain34.
En 2016, le projet de loi no 83, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique, est adopté.